MARIANNE ALESPÉE
LES ALESPÉE DE NÉRAC
MONSIEUR ALAIN BROQUA PRÉPARE UNE ÉTUDE HISTORIQUE SUR LA FAMILLE ALESPÉE; C'EST UNE CHANCE, CAR BEAUCOUP ONT ÉCRIT SUR ELLE, MAIS DE MANIÈRE TRÈS FRAGMENTAIRE ET SANS TOUJOURS CITER LEURS SOURCES.
LE COMTE DE VILLENEUVE-BARGEMON dans sa NOTICE HISTORIQUE SUR LA VILLE DE NÉRAC, rédigée à partir de documents de M. LARRARD-VILLARY et parue en 1807 éveille notre curiosité.
Pages 35-36: Après avoir décrit le château des rois de Navarre, l'auteur s'intéresse aux jardins, ainsi qu'au petit Pavillon qui s'y trouvait encore au début du XIXe siècle.
suite page 36...
Nous aurons à revenir sur l'assasinat de J. Alespée en 1792, mais remarquons une première erreur du Comte de Villeneuve-Bargemon, puisque le fils de Marianne se prénommait Jean et non Joseph. A cette époque le prénom Joseph n'était pas à la mode en Navarre, ce n'est qu'après le Concile de Trente de 1563 qu'il commença à se répandre en France, mais il prit beaucoup de temps avant d'arriver à Nérac. Il fallut attendre environ un siècle et les persécutions qui précédèrent la Révocation de l'Édit de Nantes. Malheureusement cette erreur de prénom a été copiée et amplifiée par de nombreux auteurs.
suite de la page 35:
De plus récentes études montrent que la Fontaine de Las Poupettes n'a été construites qu'en 1580, mais les traditions populaires font souvent plus confiance aux histoires romanesque qu'aux vieux parchemins.
MARGUERITE DE NAVARRE, DANS L'HEPTAMERON CONSACRE SA 59e NOUVELLE À LA GENÈSE DE LA RENCONTRE DE MARIANNE AVEC HENRI 1er DE NAVARRE SON MARI.
La reine de Navarre, soeur de François Ier, roi de France, dans cette 59e nouvelle, comme dans les autres, adopte le pseudonyme de PARLAMENTE et attribue à son royal mari, celui de HIRCAN. Il est intéressant de porter attention au débat qui conclut ce récit, et notamment à ce que pense Hircan. L'heptaméron a été édité en 1560, mais le fait relaté remonte à 1542-1543 quand Marguerite se trouvait à Nérac avec son mari de onze années plus jeune qu'elle.
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Le texte indique bien que la petite maison dans le parc existait déja à cette époque. Elle ne fut donc pas construite spécialement pour Marianne Alespée. "Une petite maison qui estoit dedans le parc, où il y avait chambre et lict tout à propos." Cette maison était cependant assez grande pour posséder deux entrées comme cela est mentionné dans la Nouvelle 59. Ainsi le Préfet, Comte de Villeneuve-Barjemon se trompe à nouveau quand il écrit que ce Pavillon fut construit pour Marianne, mais il a raison quand il indique que la tradition lui a donné par la suite le nom de Pavillon de Marianne, puis par dérision, celui de Palais de Marianne. Ce Pavillon fut probablement construit entre 1484 et 1517 du temps de Jean III d'Albret roi de Navarre, beaupère de la Marguerite qui écrivit l'Heptaméron. Les notes 728 à 737 se trouvent plus bas.
Cliquer sur les pages pour les agrandir. Les notes savantes ci-dessous tiennent compte des différentes éditions A, G ou T de l'Heptaméron.
La note 736 fait sourire, l'auteur de l'édition critique, l'éminent Michel FRANÇOIS, Conservateur aux Archives nationales, Docteur es lettres, n'a probablement jamais mis les pieds à Nérac.
Le beau et élégant Henri de Navarre à la cour de Nérac
Le grand historien de Nérac, Jean-François Samazeuil, se contente d'écrire dans - Nérac et Pau, Page 37 –
Quant à la fontaine de Las Poupettes, ainsi qu’au palais de Marianne, qui sont du même style, la tradition les attribue à Henry d’Albret, en y rattachant le nom et le souvenir de sa maîtresse Marianne Alespée, souche, par son fils, qui fut Chancelier du roi de Navarre , des Alespée, seigneurs de Lagrange et de Castelvieil. Le dernier de cette maison périt à Nérac, dans nos premiers troubles révolutionnaires.
Après ce voyage littéraire remontant de 1807 à 1543, rapprochons-nous de notre époque avec un livre de 1876, La Guirlande des Marguerites, sonnets dédiés à la Ville de Nérac écrit par O' Tanaël, pseudonyme de Faugères-Dubourg. Il commente aussi les propos du Comte de Villeneuve-Barjemon.
La conclusion du poème, sur l'expiation des fautes supportées par les descendants est regrettable car elle ne fait pas partie de la tradition connue à Nérac, il s'agit d'une particularité propre à Faugères-Dubourg.
LE VRAI CHATEAU DE MARIANNE
Marianne Alespée habita le chateau de Lagrange-Monrepos situé à l'extérieur de la ville de Nérac grâce aux largesses de son royal amant. Les descendants de Marianne ne conservèrent ce chateau que quelques années; il était dès 1615 la propriété des Jausselin de Brassay.
Plan dressé en 1900 par Philippe Lauzun, cliquer dessus pour l'agrandir
La description de l'intérieur du château en 1901.
cliquer sur chaque vignette pour lire le texte de Philippe Lauzun, paru dans la Revue de l'Agenais
Le château de Lagrange-Monrepos ne se visite pas.
La fontaine en marbre blanc de Nérac dont la forme de la vasque évoquait l'empreinte de deux seins, participait du souvenir des amours de Marianne Alespée et d'Henri de Navarre, ce qui lui valut le nom en gascon de "Houn de las poupetos". Faugères-Dubourg en fit un poème.
Les vaches supportant la fontaine rappellent le blason de la Maison de Béarn.
Le dernier représentant mâle de la famille, Jean d'Alespée, mort en 1792, eut une demi-soeur, deux nièces et un neveu, descendants comme lui des rois de Navarre.
PORTRAITS
Les données recueillies sur la famille Alespée de Nérac à ne pas confondre avec d'autres familles homonymes d'autres régions permettent de décrire plusieurs de ses représentants au cours des siècles.
1 Marianne Alespée,
Nous n’avons pas d’indications précises concernant l’age de Marianne. La reine Marguerite de Valois-Angoulème avait déja été mariée mais veuve et sans enfant, elle comptait onze ans de plus qu’Henri de Navarre lors de leur mariage le 3 janvier 1526. Elle fut mère de deux enfants: Jeanne d’Albret née en 1528 et le petit Jean qui ne vécut que 6 mois en 1530.
L’histoire romanesque du rendez-vous du Pavillon de Marianne relatée dans la 59e nouvelle de l’Heptaméron se situe en 1542-43. Henri de Navarre a 40 ans (né en 1503) ; on peut penser que Marianne est de 20 ans plus jeune. (née vers 1520-25, décédée vers 1599). Son royal amant, meurt le 20 janvier 1555 à Hagetmau. La reine Marguerite l'avait précédé le 21 décembre 1549, un an après le mariage de leur fille Jeanne avec Antoine de Bourbon.
Certains embellissements du château de Lagrange-Monrepos datent des années 1560-1569. Marianne reçut une indemnité pour l’utilisation de sa maison ou de son château de Lagrange Monrepos pendant les trois premiers mois de 1582, comme cela figure dans le livre des comptes des rois de Navarre à Pau. (Samazeuilh). Mais il semble qu’elle soit décédée avant le siècle suivant car c’est son fils Jean qui est qualifié de propriétaire du château en 1600. (Certains auteurs le gratifient du prénom de Joseph sans aucune preuve et manifestement par erreur)
2 Jean I Alespée est contemporain de la reine Jeanne d'Albret sa demi soeur, quoique plus jeune d'une douzaine d'années. Elle devient reine de Navarre en 1555, il est Conseiller auditeur à la Chambre des comptes du royaume de Navarre en 1566. Sa naissance peut se situer entre 1541 et 1546. Il aurait étudié au collège de Lescar. Le premier document concernant ses fonctions de Maître des comptes de Nérac est de 1571 (AD 64 B 1506 et B1507). Il épousa Catherine de Courtion de Douazan, probablement la fille de Pierre de Courtion, auditeur des comptes en 1577 et 1578 à la Chambre de Nérac.
Jean I sera plus tard Chancelier du Royaume de Navarre et la reine Jeanne d’Albret le couche dans son testament. Elle meurt en 1572. Jean 1 figure dans le livre des Tailles de Nérac en 1599 comme habitant le Portal de Marcadieu. Un an plus tard il est mentionné comme seigneur de Lagrange-Monrepos. Il n’apparaît plus après 1604 dans les actes que nous connaissons. Jean 1 Alespée a eu deux fils contemporains d'Henri IV et Louis XIII, rois de France et leurs cousins germains: Pierre et Jean.
Pierre Alespée est inscrit en 1605 au rôle des impositions protestantes. Il est élu en 1609 l’un des quatre consuls de la ville de Nérac. Il ne semble pas avoir eu une descendance à Nérac. Il a un frère Jean.
3 Jean II d'Alespée, écuyer, est marié avant 1616 avec Técle de La Brunetière. En 1635 le Château de Lagrange-Monrepos avait été cédé aux Jausselin de Brassay qui firent quelques agrandissements et modifications en 1644. Técle de la Brunetière avait deux frères et deux soeurs; de sa soeur Jeanne-Antoinette elle hérita du chateau de Castelvielh qui avait été le lieu d'un épisode de l'histoire des guerres de religion en Juillet 1562. Blaise de Monluc en fit brûler les portes par les bandoliers du Capitaine Bardachin. Joseph d'Alespée, le fils de Thècle et de Jean II continua la descendance.
Château de Castelvielh au début du XXIe siècle (commune de Feugarolles): les toitures des dépendances à droite sont effondrées. Un pigeonnier hexagonal se devine en haut à droite. La partie la plus ancienne est le corps de logis en haut à gauche d'où la vue s'étend sur la vallée de la Garonne. Le corps de logis est maladroitement réparé sur son pignon Est.
4 Joseph I d'Alespée, écuyer, Seigneur de Castelvielh, contemporain des rois de France Louis XIII et Louis XIV, leur cousin, épousa Elisabeth de Filhol. Joseph et Elizabeth eurent sept enfants dont un des deux fils Joseph eut une descendance. En 1696 son blason est enregistré par Charles d'Hozier : Coupé au 1 d'azur aux deux épées d'argent passées en sautoir accompagnées en chef d'un croissant accosté de deux étoiles du même, au 2 d'hermine aux trois chevrons de gueules. Les filles s'allièrent entre 1727 et 1752 à Jean de Pichard, Joseph de Cas, Jacques de Monié, Jean Prehoc. Joseph II devint le 1er juin 1702 héritier de sa tante Jeanne-Antoinette de LaBrunetière sans enfant de noble Jean-Charles du Cauzé de Nazelle et propriétaire du château de Castelvielh, paroisse de Saint-Cirice de Feugarolles.
5 Joseph II d'Alespée, écuyer, Seigneur de Castelvielh, Chevalier de Saint-Louis, ancien capitaine de cavalerie, contemporain de Louis XIV et Louis XV, épousa en premières noces Angélique, Dame de Valier dont naquit un fils Jean d'Alespée le 22 aout 1743. Joseph II épousa en secondes noces Jeanne-Marguerite de Saubusse de Roques dont naquit une fille Técle d'Alespée.
Jean d'Alespée, écuyer, est présent comme témoin le 5 aout 1763 avec son père et Jean de Monié, avocat du Roi, co-seigneur d'Andiran pour confirmer la noblesse de la famille de Larrard de Nérac. Capitaine de cavalerie et Colonel de la Garde nationale d'Espiens, il fut assassiné à Nérac le 2 aout 1792 par une bande de furieux qui voulant s'emparer des armes dont il avait la garde l'avaient garotté devant son château de Caup, puis transporté sur une charette à Nérac, transpercé d'une pique et pendu à un ormeau. C'était le dernier d'Alespée en ligne masculine. Sa demi soeur Tècle avec son beau-frère et ses trois nièces et neveu de 12, 14 et 16 ans en furent profondément affectés.
6 Técle d'Alespée, avait été mariée par contrat du 16 aout 1769 au Chevalier Joseph de Mondenard de Bière, descendant en ligne masculine directe des Montagu de Mondenard. Il fut Maire de la ville de Laplume, capitale du Bruilhois. Le sceau de Técle d'environ 21 mm de diamêtre, portait les armes des deux familles et lui servait à cacheter ses lettres et documents officiels. Adolphe de Mondenard, un de leurs descendants, spécialiste de la vigne, publiciste et rédacteur en chef de différents journaux fut sous la IIIe République, député du Lot et Garonne. La ville de Nérac a donné son nom a une de ses avenues, celle de l'Office du Tourisme.
Les armes de la famille d'Alespée de Nérac: De gueules aux deux épées d'argent passées en sautoir cantonné de quatre étoiles du même. Les armes de la famille de Mondenard semblent être "écartelé d'azur et d'argent", mais il s'agit d'un sceau, donc l'empreinte du cachet de cire fera apparaître "écartelé d'argent et d'azur". Photo M.de Mondenard 2011, DR.