LE CHATEAU DE LA BOISSONNADE À MONTAUBAN
CHATEAU DE LA BOISSONNADE
- DE LA FAMILLE DE PECHELS À CELLE DE SAINT-SARDOS,
- DE LA FAMILLE DE SERRES DE PRAT À LA FAMILLE DE MONTAGU DE MONDENARD
- DE LA FIN DU XIXe SIÈCLE À AUJOURD'HUI
Photo 1995, aîle gauche; Photo 1935, aile droite.
Sortant de Montauban par la route de Négrepelisse (D115) prendre à droite la direction de Léojac et suivre la direction de St Etienne de Tulmont pendant un kilometre après la bifurcation. Sur la droite (au 2850) se trouve le château de la Boissonnade ainsi qu’un vieux pigeonnier. Après avoir traversé une grande cour enserrée par les bâtiments qui servaient autrefois à l’exploitation agricole une autre entrée s’ouvre sur le jardin. Deux tours carrées encadrent symétriquement la façade. Une troisième tour à l’arrière permet de surveiller du côté de Montauban.
Plusieurs familles se sont succédées dans ce château
Le blason le plus connu de la famille de Pechels : "d'or à quatre alérions éployés de sable" nous a été transmis par la branche anglaise des Pechell, mais il en existe un autre probablement plus ancien, sur un document de 1700 environ reprenant l'ascendance de Suzanne de Pechels. Dès 1547, année de l’annoblissement par Henri II de Pierre de PECHELS, celui-ci est dit “Sieur de la Boissonnade et de Saint-Crambarri ( St-Caprais près de Belmontet). Il adhère parmi les premiers aux idées de la Réforme. Chez lui, dans sa maison de Montauban, le Pasteur Gaspard de La Favergne célèbre le culte dès le 25 mai 1561. Ses descendants, à l’époque de la Révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV en 1685, sont toujours propriétaires de la Boissonnade. Samuel de Pechels et son épouse, Marquise de Tierry – Sabonières refusent d’abjurer leur foi. Malgré les dragonnades, la mise à sac de leur maison de Montauban à la veille de la naissance imminente de leur cinquième enfant. la dispersion des quatre aînés, leurs deux filles arrachées à leurs parents pour être enfermées au couvent des Clarisses en vue de leurs conversions. Le père mis en prison, et la mère jettée hors de chez elle refusèrent de se convertir au catholicisme et d'abjurer leur foi. Ils n’eurent d’autre solution que de s'évader, fuir et émigrer sans pouvoir prendre avec eux tous leurs enfants. Seul leur fils Jacob pourra rejoindre sa mère en Suisse. Ils se retrouvèrent et s'établirent en Irlande.
Le château de la Boissonnade fut pillé le 14 janvier 1686.
Les deux fillettes restées à Montauban ne purent sortir du couvent des Clarisses qu'en se mariant avec des catholiques. L’aînée, Anne de Pechels, épousa Louis de Cahuzac, lieutenant principal au Présidial en 1697. La cadette, Suzanne de Pechels, celle qui était née pendant que les Dragons du roi s'étaient installés dans sa maison, le 6 septembre 1685, fut la dernière à figurer sur le registre des baptêmes protestants de Montauban. Elle fut mariée, alors qu'elle avait moins de quinze ans, le 18 janvier 1700 à André Saint-Sardos, lieutenant.
Photo 1935: la tour arrière de la Boissonnade et l'escalier de la Maison des Pechels à Montauban.
Les deux soeurs furent déclarées seules héritières des biens de leurs parents. Suzanne eut le château de la Boissonnade et la plupart des terres qui l’entouraient; à Anne échut des terres situées plus au Nord, ainsi que la maison des Pechels à Montauban établie 51 rue Saint-Louis.
2 Famille SAINT-SARDOS, puis de SAINT-SARDOS
Les deux fils Saint-Sardos , d’une famille bourgeoise, vivant à Castelsarrasin embrassèrent la carrière des armes. En 1700, quand André Saint-Sardos épousa Suzanne de Péchels, il était lieutenant dans le régiment d’Humières. Ils eurent un fils, Pierre. Celui-ci effectua les vingt premiers années de sa carrière militaire dans la deuxieme compagnie de Mousquetaires du Roi. Ses vingt années d’ancienneté ajoutées à la carrière de son père permirent à Pierre Saint-Sardos de la Boissonnade de recevoir la Croix de Chevalier de Saint-Louis.
Puis il obtint des lettres d’annoblissement en 1764 et le Juge d’Armes régla ses armoiries: "d’argent à trois sardines de sinople posées (en pal) deux et une et un chef d’azur chargé d’un croissant d’argent accosté de deux étoiles d’or.” Il existe un blason simplifié où les sardines sont aussi d'azur et les étoiles sont aussi d'argent.
Parvenu au grade de Brigadier (Colonel), il fut nommé Gouverneur de Castelsarrasin sa ville d’origine, en 1766.
En 1783 il entreprit d’obtenir le titre de Marquis et mourut le 30 aout 1785 ayant eu de son mariage avec Hélène d’Estanchot de Treslon un fils Jean et une fille Louise, laquelle fut mariée au Sieur Mieulet de Larivière.
Pierre de Saint-Sardos avait vendu le château et la seigneurie de La Boissonnade au Sieur Jean-Pierre Perrouteau avant le 25 mai 1770. Le fruit de la vente lui permit d’acheter le fief de Mondenard ( entre Moissac et Cahors) déjà décoré du titre de baronnie et qu’il transforma en marquisat au bénéfice de son fils Jean, lequel participa aux Assemblées de la Noblesse en 1789 à Cahors et à Toulouse. Émigré en Angleterre sous la Révolution, il conserva le chateau et la terre de Mondenard jusqu’en 1812 et la vendit pour acheter celle de Malause qui avait appartenu aux Bourbon-Malause. Jean de Saint-Sardos, Marquis de Mondenard mourut à Paris sans postérité en 1823; sa soeur Madame Mieulet de Larivière fut son héritière et transmit sa succession à ses enfants.
Jean de Saint-Sardos, Marquis de Mondenard avait un cousin Pierre-Marie, maire de Gimat dans le Gers de 1808 à 1815. Pierre-Marie n'était pas noble car son père, habitant de Beaumont-de-Lomagne de 1764 à 1779 n'avait pas réuni les conditions nécessaires pour le devenir. Une demande fut faite à la Cour pour que Pierre-Marie accède malgré tout à la noblesse, mais elle fut rejettée. De leur côté les Pechels émigrés en Irlande sous Louis XIV, devinrent en 1797 baronets de Paglesham en Angleterre et orthographièrent leur nom "Pechell". Les descendants de Jacob de Pechels des deux côtés de la Manche se rapprochèrent au début du XIXe siècle, ce qui permit au maire de Gimat et à sa famille de sauvegarder le nom "Pechels" en changeant leur nom qui devint "Pechels de Saint-Sardos". Cette branche subsiste au XXIe siècle. De son côté Paul Pechell avait ajouté à son nom celui de sa femme qui n'avait pas de frère et devint Lord Brooke Pechell. Ce nom s'est éteint avec le 9e baronet en 1984, mais il y a toujours des descendants en ligne féminine.
3 Le Sieur PERROUTEAU
La Boissonnade était terre noble. Le Sieur Jean-Pierre Perrouteau, négociant, habitait Montauban et avait pris en fermage d’autres terres dont celles de Marie-Anne de Garrisson épouse de Jean de Preissac. Il vendit la Boissonnade pour acheter les deux métairies qu’il avait en fermage. Il garda ainsi la Boissonnade une douzaine d’années seulement et la céda à Joseph de Serres de Prat.
4 Les de SERRES de PRAT
Le 24 mai 1782 Joseph de Serres, industriel protestant de Montauban dont l'aïeul avait perdu l’état de noblesse par dérogeance, racheta La Boissonnade au Sieur Perrouteau. Il avait épousé Olympe de Bonvilar fille du Baron d'Auriac d’une très ancienne famille noble de Caraman dix ans plus tôt et venait de faire une demande au Roi, instruite par le juge d'Armes Chérin pour être rétabli dans sa noblesse d’origine. Il était Gendarme de la garde ordinaire du roi, Capitaine aide de camp du Comte d'Esparbès et chevalier de St Louis. Un de ses cousins Pierre Serres en 1777 avait accédé à la noblesse avec le titre d'écuyer en achetant une charge de Secrétaire du Roi. Autrefois, sur l'Armorial de 1696, la famille de Serres portait “de sable à trois serres d'aigles d’or, mises en bande” mais en 1782 son blason proche de celui d'Olivier de Serres en Vivarais se disait "d'or au chevron de gueules portant trois étoiles d'argent et accompagné de trois trèfles de sinople."
Joseph de Serres de Prat acquit de la fille de Louis de Cahuzac les terres qui faisaient partie de la propriété du temps de la famille de Pechels avant qu’elle soit divisée. Il en acheta d'autres à la famille de Preissac, ce qui lui permit de doubler la propriété à lui vendue par le Sieur Perrouteau. C’est lui qui rénova complètement le château et modernisa l’exploitation agricole. Comme beaucoup de notables montalbanais il était franc-maçon. La ville comptait pas moins de quatre loges et un chapitre en 1771.
Quand Joseph de SERRES meurt, ses enfants Daniel et Luce sont encore mineurs. Pour protéger le patrimoine familial leur mère Olympe de Bonvilar leur racheta La Boissonade, ce qui leur donna l'argent nécessaire pour désintéresser les autres héritiers. Ils reçurent La Boissonnade ainsi qu'une maison à Montauban au décès de leur mère survenu en 1838.
Bonvilar: écartelé aux 1 et 4 d'argent au 2 d'azur et au 3 de gueules.
Seul Daniel se maria, Luce resta célibataire. Il eut une fille Joséphine qui fut mariée à Joseph-Ernest de Mondenard de Monié en 1848. Elle hérita de La Boissonnade à la mort de sa tante en janvier 1851 ainsi que d'une maison près de la Place des Monges à Montauban. Les de SERRES et leurs héritiers de Mondenard gardèrent La Boissonnade pendant 90 ans environ.
5 La famille de MONTAGU DE MONDENARD
Joseph- Ernest de Mondenard de Monié, aîné de la branche de Bière et d’Autièges issue des seigneurs de Roquelaure en Bruilhois et Condomois appartenait avec sa Maison à la noblesse de chevalerie depuis des temps immémoriaux et descendait en ligne masculine directe des Montagu de Mondenard en Quercy. Ceux-la même dont la branche aînée possédait le château de Mondenard jusqu'en 1593. Joseph Ernest de Mondenard et son épouse Joséphine Pélissier de Serres de Prat habitaient Agen et venaient à La Boissonnade aux beaux jours. Ils avaient confié l’exploitation agricole de La Boissonnade à des métayers. C’est ce qui apparait lors d’un procès qui eut lieu à Montauban en 1861.
Les Mondenard et les Montagu portaient les mêmes armes:”écartelé d’argent et d’azur”. De même que Pierre de Saint-Sardos avait vendu La Boissonnade et acheté le château et des terres autour de Cazes-Mondenard, près de Lauzerte; de même aussi un descendant des anciens Barons de Mondenard fut propriétaire près d'un siècle après de La Boissonnade, près de Montauban. Ce qui ressemblait à une permutation mais n'en était pas une, n’aida pas les historiens à différencier deux familles pourtant bien distinctes.
6 Madame LAFON veuve MIREPOIX
Le château de La Boissonnade et 45 hectares furent vendus en avril 1872 à un intermédiaire M. Boursiac. Puis, Marguerite Lafon, veuve Mirepoix achèta le 30 décembre 1873 à Joseph Ernest de Mondenard et son épouse une terre de 3ha 67a et 74 ca appelée terre de l’Angle-basse située entre ce qui est aujourd’hui la D115, le chemin qui va à Léojac et le ruisseau de l’Angle. A l'époque de cette deuxieme vente, Joseph-Ernest et Josephine de Mondenard habitaient Montauban, Route de Paris, alors que Madame Lafon était déjà domiciliée à La Boissonade.
7 Messieurs BONNAL et KEFLER Monsieur Bonnal ( intermédiaire en transactions immobilières) vend la Boissonnade le 29 juillet 1908 à Mr Arsène Joseph Kefler, négociant à Fleurance dans le Gers et à son épouse née Marie Monserrat. Ils n’habitèrent pas La Boissonnade et vendirent à leur tour à la famille Gaillard.
8 La famille GAILLARD-ESSE
Le 26 décembre 1910, M. et Mme Jean Gaillard et Jean-Marie leur fils unique achètent La Boissonnade aux époux Kefler.
La petite fille de Jean-Marie Gaillard épousa M. Lucien Esse, agriculteur qui fit faire d'importants travaux de forage afin d’obtenir une meilleure irrigation de ses terres et combla les anciens viviers qui servaient de douves au chateau. Les descendants de M. et Mme Esse ne désirant pas poursuivre l’exploitation décidèrent de vendre le château ainsi que 9 hectares des terres les plus proches à l’age de la retraite de M. Esse.
9 La famille LASCAUX acquit le Château de La Boissonnade avant la fin du XXe siècle et le restaura.
Ce château, d'une architecture très simple et dépouillée, possédait une fabrique d'agrément avec colonnes en pierres de tailles à l'arrière côté Montauban. Elle n'a pas résisté à la présence de troupeaux de vaches venues s'abreuver à la fontaine voisine. La porte d'entrée possède un heurtoir finement ouvragé. A l'intérieur des moulures ont intrigué plus d'un curieux. L'une représente la Cène avec le Christ et ses disciples, l'autre est un ensemble placé au dessus d'une porte et composé de deux scènes superposées d'inspiration biblique. La première évoque l'offrande de Caïn placée sur un autel, les anges, messagers de Dieu, s'approchent pour la retirer de l'autel et détournent leurs regards comme pour la désapprouver. La seconde évoque les chérubins dont parle le livre de l'Exode au chapitre 25.
"... les chérubins auront la face tournée vers le propitiatoire. Tu mettras le propitiatoire sur l'arche, et tu mettras dans l'arche le témoignage, que je te donnerai. C'est là que je me rencontrerai avec toi ; du haut du propitiatoire, entre les deux chérubins placés sur l'arche du témoignage, je te donnerai tous mes ordres... » Sur la moulure de La Boissonnade les chérubins ont une forme animale et le propitiatoire ressemble à une coupe, mais ce qui est important se joue dans les regards. Les chérubins ne détournent pas la tête de la coupe.
Ces moulures scellées dans la construction proviennent probablement de l'appartenance d'un des propriétaires à la franc-maçonnerie montalbanaise. La Boissonnade aurait servi de lieu de rencontre retiré pour une des loges de Montauban "La Bonnefoy" ou "LaParfaite Union" plus probablement à la fin du XVIIIe siècle. En revanche cela ne semble pas possible pour "La Tolérante Amitié".
Sur cette vue aérienne le château se dresse à gauche et les anciens bâtiments de l'exploitation à droite. Apparaissent de part et d'autre de la façade les deux tours carrées et sur l'arrière, plus à gauche encore, la troisième tour orientée vers Montauban. La tour droite de la façade a été heureusement dégagée de constructions basses du XXe siècle sans style.