ADOLPHE J. DE MONDENARD, DÉPUTÉ DU LOT ET GARONNE
LE DÉPUTÉ DU LOT & GARONNE A.-J. DE MONDENARD
propose un amendement pour la suppression totale des subventions gouvernementales à l'utilisation de pesticides en viticulture.
A la tribune de la Chambre des députés le 7 mars, le député du Lot et Garonne préconise un amendement concernant un crédit à voter à l’agriculture de 1.700.000. Il démontre qu’on pourrait réduire considérablement ce crédit à 121.422. Ce qui permettrait une économie de 1.578.578..
Plutôt que de traiter les vignes par des méthodes chimiques à base de pesticides et d’encourager ces méthodes par des aides gouvernementales, il préconise de changer les portes-greffes par des variétés résistant naturellement aux champignons destructeurs. Il souhaite laisser les viticulteurs libres de choisir les meilleurs porte-greffes pour leurs vignes et leurs sols, tels : Solonis, Riparias, Jacquez, Yorck-Madeira.
Cette intervention du député A.J. de Mondenard contre les pesticides et pour la sélection des plants les plus résistants ne date pas d’hier. C'est devant l'Assemblée Nationale le 7 mars 1888 à l'époque où le Phylloxera ravageait les vignobles d'Europe et d'Afrique du Nord qu'il intervient en une démonstration bien étayée.
Ci-dessous un article de Michel de Mondenard rédigé pour le Bulletin de la Société Archéologique et Historique de l'Albret, paru en 1998, tome 20, pages 90 à 93.
Adolphe-Joseph de Mondenard (1839-1898)
Gravure de la revue l'Illustration, 1885
Une avenue de Nérac porte son nom:
L’avenue Mondenard est parmi les plus fréquentées de la capitale de l’Albret. L’Office du Tourisme n’est pas le moindre des établissements ouverts au public à y avoir élu domicile. Elle fut baptisée du nom d’un de ses édiles, le Maire-Adjoint de Nérac et Député de Lot et Garonne Adolphe de Mondenard, décédé le 15 octobre 1898.
Un enfant du pays d’Albret:
Adolphe de Mondenard naquit dans le hameau de Pouchieux, commune d’Autièges (réunie plus tard à celle de Fieux) le 26 janvier 1839, chez ses grands parents maternels: Joseph Délias et Dorothée Castaing, agriculteurs. Il y apprit le gascon en même temps que le français. Sa mère, Anne Délias, avait 24 ans et son père, Edmond de Mondenard seulement 21 ans. Le grand père paternel avait refusé d’autoriser leur mariage. En raison de cette opposition, l’enfant naquit sous le nom de famille de sa mère et reçut le prénom de Joseph, celui de ses deux grands pères. Mais plus tard quand ses parents purent se marier, il reçut le prénom d'Adolphe, qui signifie noble. Joseph-Romain-Bonaventure de Mondenard, son grand père paternel aux idées politiques réputées éclairées, châtelain d’Autièges, prévoyait pour son deuxième fils une épouse plus conforme à son milieu. Il était issu d’une famille noble, établie en Bruilhois dés le début du XVe siècle et alliée aux plus anciennes maisons de Guyenne et de Gascogne, y compris la famille d’Albret(1). Edmond de Mondenard fut contraint d’attendre sa majorité de 25 ans pour pouvoir se marier à celle qu’il aimait, la mère de son fils. Le futur député avait cinq ans quand il pu porter le nom de son père; il fut légitimé le 21 février 1844, à l’occasion du mariage de ses parents et reçut le prénom d'Adolphe.
Un étudiant politisé:
Jules Andrieu, biographe et historien de l’Agenais rapporte qu’Adolphe fit ses études classiques au petit séminaire d’Auch et son droit à Paris où, reçu à la licence, il s’intéressa en même temps à l’économie politique et à la littérature.(2)
Adolphe se mêla vers 1860 aux tentatives d’opposition de la jeunesse des Ecoles contre l’Empire. La liberté de la presse avait été progressivement réduite avant et après que Louis Napoléon Bonaparte devienne l’Empereur Napoléon III. Adolphe, républicain et franc-maçon collabora à la plupart des petits journaux de la rive gauche vers la fin de l’Empire. Le dictionnaire des parlementaires cite:
- Le quartier latin,
- La jeune France,
- La Voix des Ecoles,...
Un viticulteur, journaliste républicain:
A partir de 1860, pour réduire son opposition, l’Empire fit des concessions et se libéralisa partiellement. Adolphe revint en Lot-et-Garonne pour y structurer l’opposition républicaine et se fixa à Nérac, proche des terres de sa famille. Il épousa en 1867 Marie-Gabrielle Malbernac qui le rendit père d’une fille unique; Jeanne de Mondenard naquit en mai 1868.
Après la proclamation de la République, le 4 septembre 1870, Adolphe est nommé par Gambetta, Maire-adjoint de Nérac, Sibrac étant Maire. Il ne garda ses fonctions que quelques mois. Il ne se présenta pas au scrutin du 30 avril 1871 car il avait d’autres projets. Il prépara la place à son ami l’avocat Armand Fallières et celui-ci devint Maire de Nérac.(3)
Adolphe fut l’un des douze fondateurs du journal radical “Le Réveil du Lot et Garonne”soutenu par les protestants et les francs-maçons. Dés le sixième numéro il en devient le rédacteur en chef.
Ses éditoriaux inquiètent le Préfet du Lot-et-Garonne qui en informe le Ministre de l’Intérieur à Versailles(4). Dans le numéro du 1er décembre 1870 à propos de l’éxécution des communards Rossel et Crémieux, Adolphe écrit, ironique: “Et maintenant, pour défendre contre les intrigues monarchiques son admirable gouvernement, M. Thiers peut compter sur le concours du parti républicain: le sang de Rossel et de Gaston Crémieux vient de cimenter avec lui notre alliance.”
Le Réveil du Lot-et-Garonne se maintient sous les Présidents Thiers et Mac Mahon. En 1873-74 “Le Réveil” est le seul journal radical du département face au “Journal du Lot et Garonne”, conservateur et clérical. Il est frappé à diverses reprises par l’autorité et doit soutenir de nombreux procès(5). La Constitution de la IIIe république est votée en 1875. Une forte majorité républicaine entre à la Chambre en 1876 et l’Assemblée est dissoute par Mac Mahon en mai 1877. Le Réveil s’essouffle et Adolphe décide de fonder un nouveau journal tenant compte du rapprochement entre modérés et républicains. En 1878, il crée: La Constitution.
Les républicains dominent la Chambre, et en janvier 1879 ils sont majoritaires au Sénat. Jules Grévy est Président de la République. Le Journal que dirige Adolphe: “La Constitution”, devient en Lot et Garonne, le journal le plus proche du Gouvernement.
Le 16 décembre 1880, Adolphe abandonne la direction de “La Constitution” pour entrer à “L’Indépendant du Lot-et-Garonne” de tendance radicale. Il n’y restera que quelques mois, un incendie l’ayant pratiquement ruiné, comme l’indique le “Dictionnaire des parlementaires.” En mars1881, Adolphe aidé de son père, avait racheté le château d’Autièges à sa famille paternelle(6). Il s’était fortement endetté.
Un administrateur et un historien:
Adolphe dû rechercher une activité plus rémunératrice que ce que pouvait lui offrir son journal militant de province. La lutte contre l’obscurantisme par le développement de l’instruction avait toujours été l’un de ses principaux combats. Son ami Armand Fallières, ministre de l’Intérieur dans le cabinet Duclerc, connaissant ses compétences pensa immédiatement à lui pour tenir un poste à Paris de Receveur à l’Institution Nationale des Jeunes Aveugles (Hôpital des Quinze-Vingt) et à l’Institution Nationale des Sourds Muets, (256 rue St-Jacques). Il occupera ce poste de 1881 à 1884, avant son élection à la Chambre.
Ecrire et éditer des livres fut aussi pour lui un moyen de gagner sa vie tout en diffusant ses idées. La critique de l’Ancien régime inspira plusieurs de ses écrits. On connaît de lui(7):
- Le refus de l’Impôt, Agen, 1877.
- Etudes sur l’Ancien régime: La féodalité en Agenois en 1789, Agen, 1879
- Petite histoire des Princes d’Orléans, Agen 1885.
- Préface de “La République en 1885” par J. Serres, Agen 1886.
- Etudes sur l’Ancien Régime: Arnaud Daubasse, ses oeuvres et son temps, (conférence du 4 février 1888), Villeneuve sur Lot, 1888.
- Etudes sur l’Ancien Régime: nos cahiers de 1789, Villeneuve sur Lot, 1889. Contient une étude historique très intéressante sur le Brouillois.
Un homme politique spécialiste de la vigne et du vin.
Adolphe aimait communiquer ses idées et consacra beaucoup de son énergie à développer le parti républicain en Lot-et-Garonne. Exercer un mandat politique l’intéressait beaucoup moins. Il ne resta pas longtemps, maire-adjoint de Nérac et seulement dix ans plus tard fut élu Conseiller Général pour le canton de Francescas. Son élection en 1885 comme député du Lot-et-Garonne, fut une surprise, le scrutin de ballottage fut favorable aux républicains et Adolphe obtint le 5e et dernier siège, les conservateurs n’en avaient obtenu qu’un seul. En 1889, Adolphe s’effaça à Nérac devant son ami Armand Fallières, car le Lot-et-Garonne ne disposait que de quatre sièges à l’Assemblée nationale.
Comme député Adolphe de Mondenard prit place à la gauche radicale. Il combattit le cabinet Rouvier, vota l’expulsion des princes et les poursuites contre trois députés membres de la Ligue des patriotes et contre le général Boulanger. Il se prononça pour le rétablissement du scrutin d’arrondissement, contre l’ajournement indéfini de la révision de la Constitution, pour le projet de loi Lisbonne sur la liberté de la presse.
Son discours à la Chambre des députés le 7 mars 1888 intitulé “Reconstitution ou défense?” et concernant la lutte contre le Phylloxera fut très remarqué et apprécié par toute la presse. La Paix: “Avec une remarquable compétence A. de M. a démontré qu’on perdait beaucoup d’argent à l’acquisition d’insecticides (par l’Etat) et qu’on obtiendrait des résultats autrement précieux avec des cépages américains.”
Sur la fin de sa vie, il fut nommé Délégué général à l’Agriculture. Dans sa spécialité de la vigne et du vin on trouvera plusieurs livres techniques:
- Petit traité de viticulture Franco-américaine, Moissac 1884.
- Les vignes américaines, Paris, Masson, 1888.
- Le black-rot et son traitement, Villeneuve sur Lot; 1890.
- Traité pratique des greffes aériennes de la vigne, Montpellier-Paris, Masson, 1898.
- Il édita aussi à Toulouse un ouvrage, un brin lyrique, sur les cépages et les vins. Il y maniait l’ironie: ”Horreur, planter de l’Othello ou du Cornucopia, ô nos aïeux !... Que diriez-vous de ceux qui veulent remplacer nos vins généreux par des boissons hybrides et vos nobles cépages par des sauvageons métis d’Amérique !” Ce livre publié en 1898 reste une référence sur le sujet. Un récent “Guide du vin” de R. Dumay le cite à propos des qualités particulières des vins du Vic-Bihl.
- Synonymie ampélographique : exposition de sarments de vigne avec feuilles et raisins organisée par le Comice agricole de l’Arrondissement d’Agen pour servir à l’étude de la synonymie des cépages du Sud-Ouest. Adolphe de Mondenard. – à Agen : Imp. Agenaise, 1898. – 642 p. ; 22cm.
Catalogue d’exposition. Concours général d’Agen, août-septembre 1896. N°inv. 25358 cote : CAR 627 - Comice agricole d’Agen. Essai d’ampélographie et Études sur la synonymie des cépages de vigne dans la région du Sud-Ouest de la France. A. de Mondenard, J. Daurel et L. de Malafosse. Agen, 1898. In 8 broché, VIII-220 pp
Un ami d’Armand Fallières:
Le 7 janvier 1891, Adolphe marie sa fille, Jeanne de Mondenard avec Joseph-Louis Berretté, propriétaire à Nérac. Darlan, maire et député de Nérac célèbre le mariage. Fallières, ministre de la justice est témoin de la mariée. “La Gironde” ne fut pas le seul journal à en faire état (8).
Notes:
1. Bibliographie sur la famille Montagu de Mondenard:
- Dictionnaire de la noblesse: La Chenaye et Desbois, Tome XIV, 1775
- Documents historiques sur le Tarn et Garonne, F. Moulenq, T. 3, 1885.
- Les Oubliés, qlq soldats agenais du 17e au 19e siècle, J. Andrieu, 1886.
- Annuaire de la noblesse de France, Borel d’Hauterive, 1889.
- Le chateau d’Estillac, G. Tholin et Ph. Lauzun, 1898.
- Essai d’un armorial Quercynois, Louis Esquieu, 1902.
- Bulletin de la société des études du Lot, Henri Guilhamon, 1930.
- Revue historique de Bordeaux, M.C. Mahaut, année 1981
- Revue de l’Agenais, Henri Guilhamon, 108e année n° 4, 1981.
- La Plume, Capitale du Bruilhois, Jean Mousquey, 1988.
- Montaigu de Quercy, Maurice Onfroy, Tomes I (1986) & II (1994).
- Les Mondenard de l’Agenais et du Bordelais.
2. Biographies d’Adolphe de Mondenard:
- Biographie générale de l’Agenais, J. Andrieu, Tome II p 144-5, 1887.
- Dictionnaire des parlementaires, Robert & Cougny, 1891.
- Dictionnaire universel des contemporains, Vapereau, p.1121-2, 1893.
- Dictionnaire des parlementaires français, Joly, Tome VII, p.2487, 1972.
3. Fallières, Stéphane Beaumont, 1988.
4. Archives nationales:( F/18/473)
5. Documents pour l’hist. de la presse de Province, 1850-1900, P.Albert.
6. Documents en possession de la famille de Mondenard.
7. Catalogue Général de la Bibliothèque nationale, 1930.
8. Archives municipales de Bordeaux, Fonds Aurélien Vivie N°58.
(Annexe)
LE REVEIL DE LOT ET GARONNE - 1er septembre 1870: (Extrait)
La réorganisation du REVEIL DE LOT-ET-GARONNE est désormais assurée.Grâce au concours dévoué des COMITES CANTONAUX, les ACTIONS de la nouvelle émission seront bientôt entièrement souscrites.
Le Comité communal de Tonneins, seul, a encaissé le montant de TRENTE-QUATRE ACTIONS !
Nous faisons un dernier appel à nos coreligionnaires.
Nous ne craignons pas de dire que nous avons besoin du concours de tous ceux qui partagent les opinions que nous voulons défendre.
Nous rappelons que le taux des actions de la seconde émission est de CINQUANTE FRANCS, minimum qui nous est imposé par la loi bonapartiste, loi qui, en imposant ce taux aux cotisations démocratiques, a voulu réserver les bienfaits de l’association aux grands capitaux et imposer le silence aux pauvres !
Mais, grâce à l’ACTION COLLECTIVE, action formée des cotisations d’un groupe qui désignera un délégué pour assister, en son nom, à nos assemblées générales l’accès dans la SOCIETE du REVEIL DE LOT-ET-GARONNE est ouvert aux citoyens les moins fortunés, et notre organisation peut devenir vraiment démocratique.
Aussitôt nos actions souscrites, le REVEIL subira les transformations nécessaires pour devenir un organe digne de l’importance que vient d’acquérir le grand parti républicain dans le département de Lot-et-Garonne.
Le REVEIL publiera tous les jours:
1. Un bulletin politique;
2. Une correspondance parisienne;
3. Un article de fonds sur les questions de doctrine les plus importantes;
4. Le compte-rendu des séances de l’Assemblée nationale;
5. Une chronique politique;
6. Une chronique départementale et régionale que notre organisation démocratique nous permettra de rendre trés complète;
7. Des articles de science, de littérature et d’histoire;
9. Un feuilleton que nous nous efforcerons de rendre aussi moral qu’intéressant;
10. Un service télégraphique spécial.
A. MONDENARD *
La Gironde illustrée du 27 septembre 1885, scrutin du 4 octobre.
* Adolphe signait, surtout au début de sa carrière, sans la particule. Ce fut le cas pour son premier livre, paru en 1877. C’était encore le cas en 1888, à l’occasion d’une dédicace manuscrite de son livre, sur Arnaud Daubasse, à son cousin germain: “A mon cousin Gaston de Mondenard, témoignage de mon affectueux dévouement. A. Mondenard”